Zec ou l'énigme de la peinture

 

Pascal Bonafoux, in "Zec,peintures, dessins, gravures", Somogy Editions d'Art, 2001.

C'est une fenêtre, une façade. C'est une table, un torchon ou une serviette, une boite de conserve. C'est une étreinte. Rien ne change. Les bras refermés, les objets humbles, banals, quotidiens posés sur une table, les pots de fleurs ou les bouteilles sur le rebord d'une fenêtre ouverte à demi gardent le silence.

Un silence indéchiffrable. Un silence troublé de je ne sais quelle inquiétude. Une manière de silence usé, las. Quelle peine, quelle douleur consolent, tentent de conjurer ces bras? Tout est joué. Trop tard. Restent ces traces désolées. Quelque chose qui serait une manière de regret, de remords, d'échec.

Ou il s'agit du temps. De son arrière-goût amer d'usure. Amertume résignée et presque sereine d'être résignée. Les crépis se sont écaillés. Un gangrène de salpêtre. Couleurs passées, couleurs salies. Est-ce si grave? Un crépis écorché découvre des briques, traits irréguliers qui dessinent des rides, une façade fripée, balafrée de la diagonale d'une ombre. C'est une feuille de papier journal qu'on a du coller derrière un carreau cassé. Qui se soucie de ce que l'article collé à la vitre a pu raconter, analyser, dénoncer peut-être? Reste une texte vain. Illisible. Affaire d'oubli. Affaire de malentendus. Comme sans doute ces hypothèses égrenées qui prétendent déchiffrer les formes d'une mélancolie... L'article, la colonne déchirée ne sont qu'une tache parmi d'autres...

Une tache parmi d'autres...

Toile après toile, rien ne se dit, rien ne se raconte. Les symboles se taisent. Il n'est pas sûr que ce pain posé sur une table auprès d'une page de journal, cet autre sur une serviette dépliée, bordée de liserais rouges soient les signes de l'eucharistie. Les craquelures de la croûte, les anfractuosités de la mie, sont des taches comme les autres.

Des taches comme les autres...

Toile après toile, le silence indéchiffrable qui s'impose est celui de la peinture. De l'énigme qu'est la peinture. De l'énigme de la métaphore de la peinture. Cette tête qu'une main rabat vers une épaule est et n'est que quelques coups de pinceau. Les plis de ces linges jetés sur le dossier d'une chaise, de ces nappes déployées sur une table, sont et ne sont que lumières et ombres. Ces façades, ces fenêtres qu'angles et que rythmes. Et c'est le vert d'un chambranle qui ponctue un blanc assourdi d'ombre. Et ce sont les verts sombres de volets ourlés de grisaille dans un plan ocre, dégradé de roux, de rouille.

C'est la puissance de l'énigme nécessaire de la peinture qu'impose Zec.